1ère partie : la descente aux enfers
Un peu tendu sur la ligne de départ à Chamonix lundi 22 heures au départ de la Petite Trotte à Léon. Je me rassure en pensant que je suis en compagnie de trois finishers des éditions précédentes et que je me présente avec 72 000 m D+ depuis janvier, ce qui est conséquent quand on habite en plaine. Nous sommes quatre, et donc répartis en deux équipes soudées « on part ensemble à quatre, on finit ensemble ». Je connais assez bien les zigues de l’équipe 36 (Lepiou et Paulo) et absolument pas mon équipier officiel qui a déjà deux PTL à son actif en compagnie des deux sus nommés.

Dans la montée de Bellevue, mes équipiers retrouvent Jean Pierre et Batman, malheureusement ce dernier lâche prise rapidement et fait demi-tour. Jean Pierre se joint à nous pendant que mon équipier est parti devant dans la nuit noire. Pas grave, il nous attendra au pont de Quy, pensais je.
Au petit jour, pont de Quy, mon équipier n’est pas là, aucune trace de lui !!!

Nous abordons la montée du Mont Joly en s’accordant un petit déjeuner au Porcherey. J’allume mon mobile et surprise : mon équipier m’a laissé un message vers 3 h 30 m'annonçant qu’il s’est joint à une autre équipe qui va plus vite et que « c’est mieux pour tout le monde ». Je reçois un gros coup de massue sur le crâne. En course depuis moins de 12 heures et notre équipe a déjà explosé au mépris de l’éthique de la PTL.

Le coup est raide d’autant qu’il a la balise et que moi, gros jambon, je porte la tente de 1,5 kg. Je m’intègre donc à l’équipe 36 et nous repartons en compagnie de Fatima et Daniel (équipe 62) pour le sommet du Joly.
A la Gittaz, Jean Pierre préfère s’arrêter et rentrer à Chamonix. Nous croisons une équipe qui a fait demi-tour et qui, avec une condescendance certaine pour notre modeste allure , nous annonce de la « varappe » devant ce qui nous est étonne. Pas de varappe en réalité mais une bonne montée pour rejoindre le refuge du Bonhomme.
Je suis effaré, nous n’en sommes que là !!! En comparaison d’un UTMB, nous nous sommes traînés. J’ai les épaules cisaillées par mon sac de 10/11 kg. Nous avions prévu de pousser au Mottets mais Jean Paul craint une chute dans la descente du col des Fours et nous en restons là pour aujourd ‘hui. Nous dînons avec un Anglais arrivé à 14 heures au refuge, et qui erre depuis, relativement dans le gaz.

Avant l’aube, nous abordons la facile montée au col des Fours, la descente, puis le col de l’Ouillon. Le sac me pèse beaucoup moins que la veille. J’adore le final avec ses pentes de schiste qui me rappellent le col des Chambres par exemple. Le col s’ouvre sur un immense vallon suspendu, nous évitons le col des Rousses pour franchir le col de la Forclaz.
Il s’agit d’une pente herbeuse très raide, sans aucun sentier. Dré dans le pentu, très éprouvant, et franchement sans aucun intérêt. Au sommet, deux croix évoquent le souvenir de combats en 1944.

En se dirigeant vers le Petit Saint Bernard, par manque de concentration, j’embarque tout le groupe de cinq sur une nouvelle piste et nous perdons une demi heure. A la frontière italienne, nous sommes largement hors délai d’au moins dix heures (!!!).
Nous songeons à tailler sur Morgex par la route car il nous faut impérativement récupérer notre sac d’allègement avant la fermeture du contrôle. Deux bénévoles qui installent les balises pour la TDS nous déconseillent cette descente dangereuse car la route est fréquentée et qu’il n’y a pas d’accotement. Le cœur en berne, nous finissons par monter dans un bus, en compagnie de six autres trailers dont les Creusois.

Le bilan est sévère en montant dans le bus : je me suis fait lâcher par mon équipier et je ne serai pas finisher. Vu l’investissement que représente la PTL pour un « père de famille », à savoir une semaine de congé, pas mal de sous, et beaucoup d’entraînement, j’ai plus que les boules.

Les onze gugusses, qui ont pris le bus, affirment vouloir continuer hors course pour profiter du parcours. Nous sommes accueillis de façon goguenarde à Morgex, le mot « touristes » est prononcé par un membre du staff qui nous annonce que nous ne pouvons pas rester là et qui récupère nos balises. Désormais, sans balise, nous sommes vraiment hors course, nous avons mué en des randonneurs. Les Italiens très très gentils nous offrent des lits de camp pour dormir un peu.

2ème partie : la rédemption
S’ensuit une journée complètement à l’écart du monde où nous ne croisons personne hormis un vacher en fin d’après midi. Nous enquillons la fenêtre de Serena puis le col Saint Rhémy (l’orage menace et J.P. préfère éviter le col des Ceingles). J’abandonne ensuite mes camarades qui empruntent la route pour rejoindre le carrefour Saint Bernard, tandis que je les surplombe à flanc sur le parcours PTL. Un dernier coup de c… et nous voici à l’Hospice du col du Grand Bernard où un moine nous ouvre un dortoir pour nous tous seuls.

Le vent souffle violemment toute la nuit et la journée du vendredi est annoncée orageuse pendant que nous descendons à Bourg Saint Bernard. Mes camarades préfèrent éviter la cabane de Mille (environ 2450 m) et ils resteront dans la vallée jusqu’à Orsières. Je les quitte pour prendre de l’avance entre Bourg Saint Bernard et Bourg Saint Pierre, puis j’aborde la montée vers la cabane de Mille. Ce refuge est atteint après un long parcours à flanc qui domine la vallée. Ça souffle très fort ; à la cabane, je retrouve les Creusois emmitouflés comme des alpinistes. Je lâche les chevaux pour presque 1700 m D-, de quoi bien s’exploser les quadriceps.

Les camarades rejoints peu avant Orsières, nous montons ensuite à Champex pour tomber sur le barnum du ravitaillement de la CCC. Nous sommes accueillis par un bénévole très sympa qui récupère nos sacs d’allègement (ouf ! ils sont encore là, nous n’en étions pas certains)
Quel contraste avec le silence des jours précédents ! Le chapiteau est plein comme un œuf avec de nombreux accompagnants, les coureurs font la queue pour se ravitailler, le temps s’égrène inexorablement vers la barrière horaire CCC à 22 h 15. Et soudain l’orage est là. Nous nous installons sous une tente inoccupée et évitons ainsi l’énorme orage qui s’abat sur Champex jusque tard dans la nuit. Je dors très mal, l’humidité nous imprègne, il fait froid.

Nous suivons ensuite le parcours CCC/UTMB jusqu’à Martigny Croix. J.P. achète une carte pour fignoler un parcours de retour à Chamonix sans rester sur la trace UTMB. Nous perdons du temps dans la montée du Cœur car, nous voilà scindés en deux petits groupes, et ne sachant pas qui est devant, nous nous attendons mutuellement.
J.P. avait prévu initialement de dormir dans le cadre somptueux du Vieux Emosson. Les heures passent, l’objectif de J.P. est ramené à Finhaut et finalement aux Marécottes. Problème, il n’y a plus de place d’hébergement ; je préfère tailler la route vers Cham’ plutôt que de me cailler une nouvelle nuit. Après de bonnes pâtes bolognaise, Daniel et moi nous enfonçons dans la nuit vers Finhaut tandis que nos trois collègues prendront le train jusqu’à la frontière du Châtelard.

A Vallorcine, nous retrouvons le parcours UTMB pour se faire rattraper par quelques trailers qui pointent entre la quinzième et la vingtième place de l'UTMB. A partir du col des Montets, nous trottinons bon train (plus la semaine passait, moins je sentais mon sac) pour rejoindre nos trois compères au ravito d’Argentière. C’est ensuite le petit balcon sud pour arriver dans Cham’ le dimanche vers 4 h 00 du matin. ,Tous les cinq, nous sommes ensemble depuis mardi au Porcherey (Mont Joly) et nous sommes ensemble pour rentrer dans Cham’


Debriefing :
Deux grosses désillusions, le lâchage par mon équipier officiel et l’échec de ne pas être finisher.
Ces désillusions ont été largement compensées par la belle semaine passée en Off improvisé que nous avons passé tous les cinq, avec J.P. en capitaine de route.


En aparté, je suis assez surpris par le résultat publié sur le site UTMB http://www.ultratrailmb.com/document...s_PTL_2011.pdf
Les premières équipes sont présentées ainsi :
« Equipe complète ayant fait le parcours complet (normal ou variante 6 col de Cou), avec le Luisin. »
Ce qui est étonnant puisque les plus hauts passages, col des Rousses, col de Lâne, Mont Rogneux, Catogne, ont été escamotés. Cela n’enlève absolument rien au mérite de ces équipes mais cela mériterait d’être indiqué noir sur blanc, à titre « pédagogique » pour ceux qui envisagent la PTL 2012.

Par ailleurs, un bon paquet d’équipes figurent en abandon, ce qui n’est pas vrai. Mes camarades des équipes 36 et 62 ont été éliminées par les B.H., ces équipes n’ont jamais abandonné.